Iran : l'émergence d'un nouveau hub au Moyen-Orient ?
28 Janvier 2016 (983 mots)
Après 10 ans de sanctions économiques imposées par la communauté internationale, l’Iran est parvenu à un accord sur le nucléaire. Conséquence immédiate : le pays se lance dans une phase d’ouverture, destinée à favoriser son développement économique et à le repositionner dans le paysage géopolitique régional. C’est le sens de la visite du président Rohani en Europe en cette fin du mois de janvier.
Les attentes sont fortes de la part d’une population en attente de développement économique. Les industriels de leur côté regardent avec intérêt ce pays aux multiples opportunités.
Le secteur aérien devrait pour sa part largement bénéficier de ce “rattrapage”, s’appuyant à la fois sur un fort besoin interne et une position géographique à fort potentiel.
Des besoins immenses, un contrat commercial historique
Le 28 janvier, la France et l’Iran annonce en grand pompe un protocole d’accord signé par la compagnie aérienne nationale pour la commande de 118 Airbus, dont 12 A380, 16 A350-1000 et 45 A330. C’est un contrat historique pour le constructeur Européen, qui bénéficie à cette occasion d’une relance de son projet A380 dont on pouvait craindre qu’il ne s’essouffle, le bilan après 10 de commercialisation étant sensiblement inférieur aux objectifs.
Grand comme trois fois la France, le pays a un fort besoin de transport aérien, et vise à moyen terme l’acquisition de plus de 300 avions. Si aucun accord n’a pour le moment été annoncé avec Boeing, il ne serait pas surprenant que l’avionneur américain fasse lui aussi l’objet d’un contrat massif dans les prochains fois, une fois les conditions de levée des sanctions définies par le gouvernement américain. La restriction des échanges économiques a conduit non seulement à une incapacité à moderniser la flotte des compagnies nationales, mais aussi à l’impossibilité d’obtenir les pièces de rechange nécessaires à son entretien. Plus de la moitié des 135 avions commerciaux de la flotte actuelle sont de ce fait cloués au sol.
Des opportunités nouvelles
La levée des sanctions est donc pour le secteur aérien iranien une occasion en or. Si la priorité est d’abord donnée à la desserte intérieur d’un pays de 77,2 millions d’habitant et de 1,6 millions de km², une réflexion sur le positionnement géographique et l’environnement concurrentiel pourrait pousser le gouvernement à réfléchir aux opportunités offertes par l’expansion du trafic aérien vers et depuis l’Asie.
Quelques mois avant le démarrage des sanctions économiques, en 2006, l’aéroport de Dubaï voisin accueillait environ 25 millions de passagers. 10 ans plus tard, ce nombre a quasiment triplé, avec 75 millions de passagers. Dubaï est aujourd’hui le premier aéroport pour les passagers internationaux en transit, devant Heathrow. L’aéroport d’Abu Dhabi a pour sa part presque quadruplé sa fréquentation. Celle de Doha a quasiment doublé.
Les monarchies du Golfe disposent d’avantages concurrentielles sérieux pour se poser en plateforme aérienne de transit :
- une position géographique idéale entre à l’Ouest, l’Europe et la côte Est des Etats-Unis et du Canada, et à l’est l’Asie et l’Océanie, dans un contexte d’explosion des besoins de transport aérien vers et depuis l’Asie
- une capacité à investir dans des infrastructures de très haut niveau, financées par les revenus du pétrole
- une capacité à définir une vision long-terme, autour d’une stratégie de diversification permettant l’anticipation d’un “après-pétrole” à venir.
- une volonté de développer le trafic via des compagnies aériennes nationales (Emirates, Etihad, Qatar Airways) dont la vocation est plus de développement l’activité économique et le prestige de leur pays d’attache plutôt que le profit, avec des Etats aux poches profondes comme actionnaires.
Face à cette situation, l’Iran pourrait offrir une alternative crédible. Tout d’abord, Téhéran est situé à environ 1000 km au Nord des 3 plateformes de la péninsule arabe. D’un point de vue géographique, c’est un emplacement plus facile, car plus proche du plus court chemin entre l’Europe et l’Asie. Les routes s’en trouvent d’autant optimisées, et donc rentabilisées.
Ensuite, l’Iran pourrait lui aussi bénéficier à moyen-terme de la manne pétrolière, une fois les sanctions complètement levées et le prix revenu à un niveau plus en accord avec la tendance de fonds. L’un comme l’autre pourraient prendre au moins 18 moins, mais l’opportunité n’en reste pas moins présente.
Enfin, l’Iran devrait représenter à moyen terme une économie dynamique, la plus importante de la Région, et attirer ainsi une activité économique venant en soutien naturel d’une stratégie de hub. C’est sur cette stratégie que tente ainsi actuellement de jouer la Turquie, qui elle aussi se verrait bien en plateforme d’interconnexion entre l’Europe et l’Asie.
Mais de nombreux obstacles
Dans l’anticipation des tendances au Moyen-Orient, principal foyer d’instabilité géopolitique actuel, il convient bien entendu d’être prudent.
Tout d’abord, la réalisation de cette ambition passe bien entendu par la démonstration d’une réelle stabilité politique, et donc la confirmation que l’ouverture politique actuelle se prolongera bien dans le temps. Les élections de la fin du mois de février constitueront le premier test.
Cette ouverture politique continue sera par ailleurs une condition nécessaire pour la levée définitive des sanctions, et notamment celles contraignant aujourd’hui l’accès au financement indispensable sur des projets de cet envergure.
Enfin, il conviendra bien sûr de disposer d’une infrastructure à la hauteur du défi, ce qui est très loin d’être le cas aujourd’hui. Aéroport de Paris et Bouygues vienne se signer avec Téhéran un accord de principe pour un projet d’extension de l’aéroport de la capitale, dont on peut imaginer qu’à ce stade il concerne uniquement l’extension des capacités à vocation domestique. Mais nul doute que l’exploitant des 2 principaux aéroports français serait ravi d’accompagner son nouveau partenaire dans une aventure plus large.
Le pays n’a à ce stade pas annoncé une ambition de constituer un véritable hub, et de nombreux obstacles se dressent devant lui. Néanmoins, à moyen-terme un tel positionnement serait stratégiquement intéressant pour son développement. Il est certain que ses dirigeants regardent d’ores-et-déjà le dossier de près.
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