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Note de lecture : on Intelligence de Jeff Hawkins

1 Juillet 2015   (778 mots)

Jeff Hawkins, co-fondateur de Palm Pilot, est aussi passionné par le fonctionnement du cerveau, et par les perspectives ouvertes par le développement de l’Intelligence Artificielle. Dans ce livre passionnant datant de 2004, il résume sa vision du fonctionnement du néocortex, de manière claire et détaillée, sans sombrer dans le jargon “technique”.

Le néocortex, cœur de l’intelligence

Le néocortex, c’est cette couche “supérieure” du cerveau, construite autour des zones plus “primitives”. C’est le siège des traitements cognitifs complexes, et de l’intelligence avancée, telle qu’elle est développée par les mammifères et les humains.

Les avancées en matière d’imagerie du cerveau ont permis de démontrer que les zones du néocortex sont spécialisées. Certaines sont consacrées au traitement de la vue, de l’ouïe, du système moteur… Mais l’une des premiers affirmations clés du livre est que le fonctionnement de chaque zone du néocortex est identique, quelle que soit son usage.

Principes du fonctionnement du néocortex

Quelle est ce fonctionnement ? Le livre décrit l’état des connaissances de l’auteur en détail et de manière très claire, mais en synthèse :

  • Le néocortex reçoit des signaux sous forme électro/chimique de la part notamment des organes sensoriels. Du “point de vue du cerveau”, il n’existe pas d’interaction avec le monde extérieur, juste des signaux qui le retranscrivent.
  • Chaque fonction n’est pas assurée par une zone unique, mais par une hiérarchie de zones, chacune traitant les signaux issus de la zone inférieure, et lui retransmettant les résultats de son analyse
  • le néocortex fonctionne par séquence de motifs : il associe à un élément (par exemple le souvenir d’une maison) à un autre (sa porte d’entrée), puis un autre (la configuration de l’entrée), etc. La mémoire ne fonctionne pas de manière absolue, mais par association. C’est ce que disent de nombreux auteurs, notamment Joshua Feier dans Moonwalking with Einstein. Ces associations sont réalisées bien souvent de manière complètement automatique.
  • le cerveau dispose d’une capacité à extraire des représentation invariante des éléments qui nous entourent : lorsque vous conversez avec votre voisin, vous savez en permanence que c’est lui, alors que vous ne le voyez jamais sous le même angle. Vous savez aussi qu’un visage est composé d’un nez, deux yeux, une bouche… C’est cette représentation invariante et de faire des associations dépassant le “cas particulier” et de raisonner.

Une modélisation de l’intelligence

Muni de cette compréhension du fonctionnement du cerveau, Hawkins introduit un élément clé dans la compréhension de notre intelligence : le cerveau réalise en permanence des prévisions sur sa compréhension du monde extérieur, réalisées grâce aux associations issues de l’expérience. L’auteur utilise pour le démontrer une image : supposons que vous rentriez chez vous et que votre porte d’entrée ait été changée légèrement, que ce soit la couleur (trop évident), mais aussi le poids, la manière dont elle tourne, la position exacte de la poignée… Très certainement, vous vous en rendriez compte immédiatement. En effet, le cerveau s’attend (projette) un comportement (ici celui de la porte) et “lève une alerte” dès que quelque chose ne fonctionne pas conformément à ce qu’il attend.

Ceci a plusieurs conséquences : d’abord, notre capacité d’abstraction issue des représentations invariantes, stockées à destination des zones supérieures du néocortex dans la hiérarchie, est à la base de notre intelligence. Ensuite, nous vivons dans le monde issu de notre prévision intérieur avant d’être en interaction directe avec la réalité. Enfin que toute notre compréhension du monde est construite par analogie/association avec notre propre expérience. On voit ici un lien avec nos biais (voir la page sur les modèles, section psychologie), qui nous pousse d’abord à supposer que le monde fonctionne tel qu’on s’attend, avant de chercher à comprendre comment il est réellement.

Conclusion

Le reste du livre est consacré à une compréhension plus fine des mécanismes biologiques qui sous-tendent les grands principes décrit ici. C’est d’un bout à l’autre un récit passionnant et éclairant, fondamentalement introspectif. Les deux derniers chapitres, où il revient sur les questions fréquemment posés et le lien avec l’intelligence artificielle, sont moins informatifs, mais ils n’enlèvent rien au fort intérêt du livre.

Hawkins aborde globalement les choses de manière modérée : il ne prétend pas que nous savons tout sur le fonctionnement du cerveau, ni qu’il a raison à tout point de vue. Son modèle de la mémoire hiérarchique et temporelle n’est pas la vérité, mais une proposition d’explication convaincante, cohérente avec les faits scientifiques et pouvant fournir une brique dans la compréhension globale de l’intelligence humaine et par suite des phénomènes de conscience, de créativité et d’imagination.

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